Mon père, Douglas Fitzgerald, a toujours été un homme fort, respecté et avec de multiples valeurs dont l'une d'entre elles est le travail. Oui, pour lui, le travail est plus important qu'autre chose car c'est en travaillant que l'on construit sa vie et que l'on se construit sois-même. Mon père ne sourit jamais, ou bien très rarement, mais cela n'empêche en rien le fait qu'il ait un coeur. Que voulez-vous, il a toujours été comme ça, froid, distant...c'est à se demander s'il est capable de ressentir certaines émotions comme la joie, l'amour, la tristesse et j'en passe. Ne vous y méprenez pas, j'adore mon père, mais il faut bien avouer qu'il se rapproche plus de l'iceberg que de l'être humain. Mais ce qui me surprend le plus chez lui, et c'est d'ailleurs une chose que je ne comprendrais jamais, c'est qu'il ait pu épouser une personne telle que ma mère. Ma mère, Rosemary Fitzgerald, est une ancienne hippie qui militait contre les préservatifs en latex au profit des préservatifs recyclables. C'est une femme assez...spéciale. Oui, spéciale dans le sens où elle est complètement tarée, très gentille, mais tarée. Vous voulez un exemple ? Disons que ma mère doit être la seule génitrice à donner des cours sur les positions sexuelles à son fils. Je me souviendrais éternellement du jour où elle m'a montré comment enfilé un préservatif sur un poireau. Je pense que c'est en partie pour ça que je suis toujours puceau à vingt-trois ans...
❀ ❀ ❀
J'avais douze ans, cinq mois, quatre-vingt-dix-huit jours, dix-huit minutes et trente-six secondes quand ma mère entra dans ma chambre pour faire, à jamais, basculer le cours de ma vie. «
Trevor Douglas Fitzgerald ! Il faut que nous ayons une petite discussion... » Elle s'installa sur mon lit, son poireau à la main et me fixa d'un sérieux qui signifiait que j'avais encore fait une connerie. Pourtant, il ne me semblait pas avoir commis le moindre délit qui méritait ce regard-là. «
Je te promets que ce n'est pas moi qui ai marché sur tes radis, c'est le chien. » A dire vrai...c'était moi qui avais marché sur ses radis, mais à douze ans, on a du mal à assumer ses actes non ? Elle poussa un soupire exaspéré. «
Je ne viens pas te voir au sujet des radis, je viens te voir au sujet du sexe mon petit gars. » J'avalais difficilement ma salive et, sans me voir, je devinais aisément que je devais être aussi rouge que les tomates du jardin. «
Tu sais, tu arrives à un âge où les garçons ont certaines envies et... » Je manquais de tomber de ma chaise. «
Mais maman, j'ai DOUZE ANS ! » Elle poussa un soupire et pointa son poireau vers moi. «
Justement, mieux vaut prévenir que guérir... » Et c'est ainsi que je vis ma mère enfilait un préservatif sur un poireau en prenant soin de m'expliquer que, ainsi, je n'aurais pas le sida et que ma copine du moment ne prendrait pas d'avocat pour que je reconnaisse un potentiel enfant.
❀ ❀ ❀
J'ai toujours été attiré par les grandes causes humanitaires, l'écologie et tout ce qui fait que je peux aider la planète, je dois sûrement tenir ça du côté hippie de ma mère. Dans tous les cas, c'est tant cette attirance qui m'a poussé à partir en Colombie pour aider ceux qui en ont besoin. J'avais quitté mes parents, ma ville natale, Plymouth et tous mes amis pour partir à l'aventure. Je servais des repas, je rapportais des médicaments et c'est là que je l'ai rencontré, elle, celle que je voulais épouser. Elle s'appelait Poppy, c'était une jolie rousse colérique, mais qui savait se montrer incroyablement sensible et touchante. Je passais la plus grande partie de mon temps à ses côtés et j'en suis tombé éperdument amoureux. «
Ecoutes, je n'ai pas besoin que quelqu'un me voit pleurer. » «
Ecoutes, tu ne devrais pas te soucier que les gens te voient pleurer. Surtout toi ! » La voir pleurer me serrait le coeur et il était hors de question que je la laisse dans cet état. «
Pourquoi ? » «
Parce que je pense que tu es belle même quand tu pleures... » Et je le pensais, elle était magnifique en toutes circonstances, y compris quand des larmes coulaient le long de ses joues. «
Bon tu vas ouvrir cette voiture qu'on puisse discuter ? J'aimerais profiter de la climatisation, moi aussi si tu veux bien. » Elle déverrouilla la voiture et je pris place à ses côtés. «
Que se passe-t-il pour que tu te mettes dans cet état ? » «
Cela fait plusieurs années que je n'ai pas vu mon frère et j'ai appris aujourd'hui qu'il était mort en Irak. » La prenant dans mes bras, elle passa la nuit à me raconter ses souvenirs d'enfance et je l'écoutais avec la plus grande attention du monde. Qui aurait pu croire qu'une semaine plus tard elle serait partie en me laissant, pour seul adieu, un petit bout de papier ? «
Jamais quelqu'un n'a été aussi gentil avec moi. Tu as su m'écouter, me faire me sentir importante aux yeux de quelqu'un. Cependant, je dois partir. Sache que j'aurais aimé construire quelque chose avec toi... Je t'aimais. Poppy. » Mon coeur se brisa instantanément au fur et à mesure que je poursuivais ma lecture. Je lui en voulais, oui, je lui en voulais de m'avoir laissé.